Passion Nature
Renaissances
Vivre en nature.
Observer la nature.
Vivre la nature.
Lorsque j'ai écrit les lignes qui vont suivre, le mois d'avril passait à peine le flambeau au mois mai. La nature commençait tout juste à arborer ses expressions printanières dans la charmante région de Charlevoix, tandis qu'un peu plus au nord, la nature sauvage de la Peribonka était encore à moitié endormie.
Aujourd'hui, nous sommes le 30 mai et le printemps prend un air d'été. La végétation n'a pas encore tout à fait déployé tous ses atouts, mais le soleil brille et il fait 30 ˚ C.
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Je pense que jamais je n'avais pris le temps d'observer de si près l'éveil de la nature.
Je baigne dans une renaissance printanière comme jamais. Au quotidien, j'ai la chance de marcher en pleine forêt, de vivre entre fleuve et montagnes et d'observer la faune et la flore exprimer leur retour à la vie...
J'entends le bruit des chutes gonflées par la fonte des neiges qui tire bientôt à sa fin. Des torrents d'eau déferlants sur les rochers ! J'ai l'impression que ces torrents pourraient essuyer toutes les larmes et la tristesse du monde. Le bruit des chutes pourraient sans doute enterrer les mauvais maux et étouffer les angoisses de quiconque a leur cœur lourd. Les odeurs de la pierre humide et de la végétation arrosée embaument l'air ambiant et m'enveloppent tout entier. Je me sens bercée. Les arbres ancrés dans ce décor mouvementé me rassurent. Ce paysage d'une force inouïe me tranquillise et me comble de bonheur. Je ne réalise pas encore que le douceur printanière ne fait que commencer à éveiller tous mes sens.
J'entends les bernaches du Canada. Un souvenir d'enfance que j'avais laissé au Québec il y a 10 ans et que je ne remarquais presque plus du haut de mes 20, 23 ou 27 ans avant de quitter le territoire. Aujourd'hui, ces oies emblématiques du Canada me réapparaissent, m'enchantent et m'impressionnent. J'entends leurs cancanements qui me parviennent d'un ciel bleu digne d'une journée d'été. D'un regard d'enfant, je scrute avec excitation les airs pour repérer la figure en "V" qu'elles forment. Leur tête pointe au bout de leur long cou noir. Leurs ailes battent incessamment. Elles sont parfois une centaine à se suivre et se succéder dans leur périple aérien du Mexique jusqu'au nord du Québec. Elles sont majestueuses ces bernaches.
J'entends les rainettes crucifères et les rainettes faux-grillons. Elles comptent parmi les 11 espèces de batraciens présentes en territoire québécois. Que les grenouilles soient terrestres ou aquatiques, lorsque le printemps signe la saison de l'accouplement, c'est dans l'eau qu'elles effectuent ce rituel. Alors en fin de journée, lorsque le soleil commence à se coucher, les rainettes nous livrent un chic concerto de sifflements et de bruissements nocturnes qui s'étirent jusqu'à la nuit tombée et même au-delà. Elles chantent l'amour au clair de lune et bercent nos pensées endormies. Leurs chants m'évoquent tant de souvenirs de colonies de vacances, de weekends au chalet ou de camping entre amis.
J'entends le bruant à gorge blanche appeler son ami Frédéric comme dans les contes de mon enfance. J'entends les grands pics à tête rouge toquer au-dessus de ma tête, les passereaux exprimer leur présence et les grands corbeaux croasser.
Je sens l'odeur de la terre humide, les feuilles de l'automne dernier en décomposition sur le parterre forestier, les effluves boréales des conifères des forêts de chez nous.
Je vois les végétaux s'épanouir en feuilles et en fleurs. Sur le sentier que j'emprunte quotidiennement, je vois un petit érable de Pennsylvanie au travers du chemin déployer ses bourgeons ; les chatons des noisetiers à long bec se transformer en petites grappes fleuries ; les tales de jeunes bouleaux arborer leurs pousses couleur vert pomme. Du sol, une panoplie de plantes de sous-bois jaillissent en soif de lumière. Elles attrapent tous les rayons qu'elles peuvent avant que les géants feuillus les couvrent d'ombre.
J'ai beaucoup de chance de travailler et de vivre dans de magnifiques environnements qui m'offrent un spectacle en constante évolution. Un enchainement de scènes qui me font méditer sur les cycles de la vie ainsi que sur les forces et les prouesses de la nature.
La nature. Plus j'y mets les pieds, je l'observe et je la vis ; plus je ressens le besoin de la comprendre, de la lire et de la décoder. J'ai besoin d'en comprendre ses mécanismes. Comprendre comment les êtres vivants qui la composent interagissent entre eux. Comprendre pourquoi nous avons perdu lien avec elle et comment nous pouvons, au mieux, s'y reconnecter en ce monde moderne.
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Tandis que j'inscris le point final du texte ci-haut, nous sommes sur la sinueuse route de la chaîne des Laurentides qui relie Saguenay à Charlevoix. Le printemps est encore timide par ici. Il reste même quelques amoncellements de neige entre les conifères des sommets. Je ne me lasse pas de voir l'évolution des saisons d'un paysage à un autre, d'une région à une autre. Entre Charlevoix en bord de fleuve, le Lac Saint-Jean dans les terres plus au nord et les hauteurs de la chaîne des Laurentides, je vis le printemps plusieurs fois cette année. C'est triplement vivifiant.
Chutes du sentier de la Forêt Marine, Les Éboulements (Québec)
Quand le grand pic ne toque pas sur les arbres, il fait entendre son chant ricaneur.
Délicates et intrigantes plantes de sous-bois. Il en existe une panoplie. Elles s'ouvrent à nous au printemps pour verdir et fleurir nos parterres forestiers. À gauche, une Vératre vert (ou tabac du diable). Ci-dessous, une petite fougère, tout simplement.
Ils ont beau me rendre visite plusieurs fois par semaine, ces petits compagnons forestiers ne cessent de me décrocher un sourire et de me mettre en joie à chacune de leur apparition.
Pommier en fleurs et papillons en devenir.
Une dizaine de minutes après avoir pris la photo, les chenilles s'étaient toutes réfugiées dans le cocon. Des papillons prendront vie dans 2 à 4 semaines. Hâte de les découvrir.
Dans les hauteurs de la chaîne des Laurentides, entre Charlevoix et le Saguenay.